1873 – 1894

Né à Altkirch en 1873, Léon Lehmann fit ses études secondaires à Belfort jusqu’en 1889: il avait 16 ans. Optant alors pour la France, il commença par travailler à Belfort da ns une usine comme ouvrier et comme dessinateur industriel, puis partît pour Paris en automne 1891 afin de préparer l’école des Beaux-Arts. C’est de là qu’il écrivit à sa famille pour lui conseiller de s’installer à Besançon  « qui m’est personnellement très sympathique, une ville de garnison l’est toujours ».

Ainsi, Madame Lehmann mère, vint-elle y habiter avec ses six enfants, 2 square Castant, dés 1892; elle y resta jusqu’en 1921 où elle regagna Altkirch.

à l'atelier Gustave Moreau avec Rouault, Matisse et Marquet

A Paris, Léon Lehmann était entré dans l’atelier de Gustave Moreau où il allait côtoyer Rouault, Matisse, Marquet, Dufy, Manguin, etc… Sur les instances de son Maître il copiait au Louvre ses peintres préférés : Chardin, Rembrandt, Van der Meulen ; il ne pouvait non plus rester insensible aux premières manifestations de Bonnard et de Vuillard avec qui il a tant d’affinités. Mais quand il revenait en vacances à Besançon  il se consacrait à son thème favori et à sa passion de longue date qui était de dessiner où de peindre des soldats. Ardent patriote, il croyait voir dans ce genre sa vocation d’artiste. Il suivait avec intrépidité leurs exercices et leurs manoeuvres. La Franche-Comté, province-frontière, avait alors un contingent militaire très important : dragons, hussards, chasseurs à cheval, etc…

A l’atelier Gustave Moreau, les camarades célébraient « les petits soldats du père Lehmann » et Gustave Moreau ne contrariait pas ce goût qui devait aboutir à la toile reçue au Salon des Artistes français en 1894, « Reconnaissance de cavalerie ».

1895 – 1914

Les fatigues excessives de son service militaire au 54è régiment d’Infanterie, portées à leur comble par les grandes manoeuvres de 1895, ont épuisé Lehmann qui après de courts séjours à Paris est obligé de revenir en Franche-Comté. On lui conseille d’abandonner la peinture, mais Rupp (le fidèle ami de Gustave Moreau) consulté lui transmet les encouragements de Rouault : « patienter coûte que coûte », il recommence alors tout seul ses études en s’inspirant des grands maître tant admirés par la jeunesse de l’époque : Van Gogh et Cézanne. L’occasion s’offre à lui de vivre au calme à l’Abbaye d’Acey (Haute-Saône) où, pendant deux ans, il reprend son activité d’artiste. Les toiles qu’il envoie à ses camarades de Paris sont exposées avec les premiers tableaux des futurs « Fauves » chez leur protectrice Berthe Weill. Une légère atteinte de tuberculose oblige Lehmann à passer quelques mois de l’hiver 1900 à Alger et retarde d’autant son retour à Paris.

G. Rouault sous son portrait par L. Lehmann

Revenu à Paris, il est accueilli avec amitié et générosité par Georges Rouault : il habitera avec lui chez ses parents, rue Clausel, et sera pendant quatorze ans considéré comme un des leurs. A la recherche de leur expression plastique, les jeunes artistes sont attirés par les expressionnistes allemands et belges qui exposent à Paris : Munch, Hodler, Ensor. Lehmann traverse une « période fauve » où bien de ses toiles s’apparentent au style de Rouault.  Puis les leçons du cubisme s’intègreront dans ses compositions pour leur imposer plus de rigueur constructive sans jamais dessécher la forme ni bannir l’expression de la vie intérieure. Lehmann expose à cette époque chez Berthe Weill, avec Rouault et chaque année à la galerie Druet dans le groupe  Asselin, Camoin, Friez, Manguin, Marquet, de Mathan, Lacoste, Jean Puy.

 

Léon Lehmann à Ferrette avec son épouse

1914 – 1930

Une méningite cérébro-spinale, contractée en 1915 après huit mois de front, interrompt à nouveau la carrière de Lehmann. Pendant de longs mois il ne peut plus reprendre ses pinceaux et végète à Besançon faisant seulement des dessins et quelques tableaux. Il retourne après la guerre à Paris où il retrouve son atelier de Clamart et l’amitié de Rouault. Cependant grâce aux encouragements maternelles de Gabrielle Portait et surtout à partir de son mariage en 1921, il se remet à la peinture avec énergie et une conscience rigoureuse : il brosse des toiles d’un style assez sévère et dépouillé d’effets. Il habite tantôt à Ferrette dans la maison familiale pendant deux ou trois mois de vacances d’été, tantôt à Paris, avenue de la Motte-Piquet, où il a installé aussi son atelier. A partir de 1919 il expose à nouveau chez Druet et, dés 1928, chaque année chez Eugène Blot.

Léon Lehmann dans son atelier

1930 – 1940

Sa personnalité s’affirme avec un métier de plus en plus assuré dans des oeuvres assez diverses de technique (matière grumeleuse, ou pâte beurrée irrégulièrement au couteau) mais où les audaces de couleur tantôt éclatantes, tantôt chaudes et sombres, s’allient à des jeux subtils de lumière. Le Salon d’Automne de 1936 consacre une salle à l’exposition d’un ensemble important de ses oeuvres , préfacé par Louis Vauxcelles.  Expositions successives aux galeries Druet, Marseille, de la Cité.

1940 – 1953

Revenu à Ferrette pendant l’occupation, Lehmann va surtout se remettre au travail à la Libération avec une sorte d’épanouissement de tous ses dons. La lumière envahit ses toiles, fait éclater les tons et disloquer les lignes. Les cinq dernières années, il peint à coups de pinceaux verticaux, avec une transparence givrée sur une ébauche de formes,  qui transposent le réel – plus suggéré que traduit – dans une atmosphère de rêve féerique ou paradisiaque. Le décor de la chapelle des Voirons (Haute-Savoie) en est l’ultime expérience : Léon Lehmann l’achevait quand il mourut le 5 novembre 1953.

 

Marie-Lucie Cornillot